[L-35] Petite grenouille et pensée unique, par Sonia

Le paradigme de la grenouille : plongez une grenouille dans de l’eau bouillante, et elle va se débattre furieusement et essayer de se sauver (on lui souhaite). Mettez-là dans de l’eau froide, et faites chauffer tout doucement, la grenouille va mourir avec un air béat, sans se rendre compte de rien (c’est moins cruel, mais nettement moins bon à déguster).

Ce paradigme est souvent utilisé pour expliquer les dangers de la pensée unique, et de l’occultation des influences extérieures : dans tout système social, celles-ci ont pour effet d’anesthésier les analyses, et d’empêcher les possibilités d’évolution. La mort politique, culturelle, économique, ou sociale, n’est pas loin. La lecture du dernier numéro de la Salida me fait penser à ce paradigme : on y baigne dans l’eau tiède et la pensée unique.

Commençons par la première page, ça attaque fort : « passé le coup de colère … » Comment justifier ce coup de colère ? Résulte-t‘il d’une enquête approfondie, d’une prise de connaissance de tous les aspects du problème, de la mise en balance d’éléments contradictoires ? Non, la colère est un sentiment, rarement le fruit d’une réflexion. Un diplôme proposé, une enquête du Ministère, et tout à coup la pensée unique est remise en question : réaction à chaud et sans fondements. En plus se mettre en colère aussi rapidement contre ce que font les autres, privés ou public, c’est s’arroger le droit, à priori, et sans analyse approfondie, de juger, donc de se considérer comme capable de le faire, donc d’être supérieure aux personnes concernées. On te pardonne Elizabeth, car ce que tu dis après, n’est pas sans intérêt, mais, à mes yeux, tu as réagis à une agression de cette pensée unique dont tu es imprégnée, et qui malheureusement s’est installée dans le Tango en France.

Continuons avec la suite du débat : sans juger sur le fond, il est remarquable que ne s’expriment que Christophe, ses amis, ou ceux qui l’on côtoyé. Point de véritable contradicteurs, pas d’apports différents : là encore on est dans la pensée unique, voire le nombrilisme. Heureusement, Pierre Vidal-Naquet, encore lui, apporte un point de vue plus distant, plus réfléchi. J’adore ! (Rassure-toi Pierre, je drague pas, je suis casée, mais limite création fan club). Il aurait fallu laisser s’exprimer d’autres personnes différentes, et apportant d’autres points de vue. On ne peut pas sans arrêt brandir la culture, et ne pas laisser s’exprimer Musiciens, Poètes, Cinéastes, et autres artistes. Et les pratiquants d’autres danses, pourquoi pas. ? Qu’en penses t’ils dans le Hip Hop, il risquent d’y passer eux aussi. Et laisser aussi, la parole dans la Salida à ceux qui sont favorables au diplôme d’Etat : toujours la pensée unique considérée comme incontournable.. Cela pourrait crédibiliser le débat (et la neutralité du journal), aider à la réflexion, et peut-être nous donner des contre arguments … Regardez ce Monsieur Dubar, à force de s’exprimer, il a permis à Elizabeth (et là, chapeau, ça c’est de l’analyse et de la réflexion) de cerner certains dangers de son approche … (Curieux de vouloir inclure le Tango dans les autres danses, d’être absolument contre un Diplôme d’Etat, de fustiger l’action du Ministère, … et d’aller ensuite y implorer une reconnaissance, laquelle est unique, bien entendu, et fournit un excellent argument publicitaire).

Enfin, cerise sur le gâteau, le point de vue de Mark Pianco, d’un conformisme éculé sur la valeur pédagogique des Argentins de passage en France. Là, c’est la pensée unique à son paroxysme. A croire qu’il n’a jamais assisté à ces multiples stages où le « Maestro » qui vient se remplir les poches en tournée, montre rapidement un pas, au milieu du cercle de contemplatifs acquis à la cause, et file s’asseoir pendant vingt minutes à boire son café, le tout à des tarifs oscillants entre 120 et 400 Eu de l’heure (et oui, mais là cette merchandisation ne gêne personne ; quant à la culture …). D’autres plus consciencieux, vous expliquent doctement : « pour que la figure passe, il faut que le cavalier fasse son pas un peu plus à droite ». Et ça marche, la figure passe (c’est bien de la figure qu’ils viennent nous vendre pour la plupart), et les acquis à la cause apprécient d’un hochement de tête connaisseur cet extraordinaire exploit pédagogique. Au fait, pourquoi si le pas est un peu plus à droite, ça marche ? Mystère, ça on ne le saura jamais. Ca de la pédagogie ? Et la culture ? Rigolade oui. Et là soyons précis, je parle du haut niveau, comprenant une bonne moitié d’une top ten. Mais ils sont Argentins et dansent comme des Dieux, alors l’esprit critique disparaît. Réveillez vous l’eau chauffe, sortez du bocal. Certains enseignants Japonais, Turc ou Américains sont allés beaucoup plus loin dans les méthodes d’enseignements que la plupart des Argentins, à l’exception de Gustavo Naveira, et de quelques autres. D’ailleurs ce même Gustavo, et c’est bien dommage, est très contre versé par beaucoup de ses collègues en Argentine, et son approche ne fait pas l’unanimité. Dommage, je l’ai dit, (quoique il sortira peut-être quelque chose de cette opposition) mais eux, au moins ne sont pas dans la pensée unique. Alors une certification par les Argentins de passage, désolée Mark, c’est totalement risible, d’autant plus qu’ils ne sont généralement pas, comme je viens de le dire, bien d’accord entre eux.

Finalement au bilan : un numéro de la Salida, Ode à la pensée unique, qui n’apporte rien, et surtout rien de plus que ce qui a été déjà dit. Belle occasion ratée. On s’endort ! Bon d’accord j’ai décidé d’être la petite peste de ce forum, et j’assume pleinement. Mais si je me fais l’avocate du Diable, c’est que je pense que pour bien se battre pour ce que nous aimons, la position intellectuelle adoptée n’est pas forcément la bonne, au moins pas suffisante. Il faut s’ouvrir davantage et avoir plus d’audace, pas s’auto conforter dans des idées acquises dans le passé et ressassées dans notre microcosme.

Un bon point : le projet de Fédé avance.

Faites gaffe les petites grenouilles, le monde change et l’eau est train de chauffer … faudrait bouger les pattes, si on ne veut pas finir dans l’assiette !
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