15. Proposition d'une réflexion collective à Marseille par Benoit

[Mail envoyé à quelques destinataires de Marseille et rediffusé par la suite]

Bonjour à tous,

ces derniers temps se sont produits un certain nombre de faits qui ont déclenché un début de réflexion sur l'enseignement du tango. Voici un résumé pour ceux qui ne sont pas encore au courant:

1/ Début septembre 2007: annonce de la création d'un centre de formation de professeurs de tango par l'association "Marseille tango"

2/ Début décembre 2007: début d'une enquête du ministère de la culture sur l'enseignement d'un certain nombre de danses dont le tango argentin. Cette enquête vise à faire un état des lieux, histoire d'évaluer l'importance de ce secteur, pour éventuellement réfléchir à une éventuelle certification des enseignants. Christophe Apprill fait partie des personnes chargées de l'enquête et à ce titre nous a envoyé en janvier un formulaire à remplir pour quantifier nos activités.

3/ Le même formulaire a été envoyé à d'autres associations de tango en France et la semaine dernière, Claire Prouhet a fait une réponse publique à Christophe diffusée assez largement (une 30-aine d'associations) et a lancé une discussion sur le sujet en évoquant la possibilité de tenir des assises du tango en mars / avril 2008.

LE SUJET vaut la peine que nous nous en préoccupions pour les raisons suivantes:

- l'intervention du ministère signifie que le monde de la danse à deux commence à devenir significatif sur le plan économique et la conséquence est presque inéluctable: il y aura une certification de prof de danse à 2, danses parmi lesquelles le tango argentin ne pèse pas bien lourd en terme d'audience (3000 personnes à une grosse soirée salsa à Marseille, 300 personnes à une très grosse soirée tango).

- les risques d'un encadrement sont de plusieurs ordre:
-le premier risque est un risque fiscal car toute activité économique, vu depuis l'Etat, doit se traduire par des retombées fiscales. Cette évolution probable succède à la remise à plat du statut des intermittents d'il y a deux ans.
- le second risque est beaucoup plus grave, car tout système de certification conduit naturellement à édicter des normes, seuils etc... et le tango argentin que nous défendons ne résistera pas à une telle moulinette.
- les autres risques sont entre autres des risques perso de ceux qui commencent à grenouiller dans le milieu

Clairement, la certification menace beaucoup plus les profs de danse de salon que ceux du tango argentin, ils n'ont aucun diplôme alors que le public concerné est bien plus grand.

LA SITUATION n'est pas désespérée et le tango n'est pas la seule activité de danse qui est à ce point de réflexion. En effet, une étude réalisée par la région PACA en 2005/2006 a conduit a proposer une référentiel de l'enseignant des danses non réglementées.

La lecture attentive de cette proposition est très intéressante car elle montre ce que peut être une certification et ses attendus sont très utiles à lire car ils donnent les raisons de fond pour la mise en place d'une certification: en tant que prof pour avoir un statut, en tant que dirigeant d'assoc pour avoir un repère sur la valeur des profs, en tant que collectivité locale pour savoir à qui on donne des subventions : voilà pourquoi il y aura inéluctablement une certification à mon avis. Faisons en sorte de limiter les dégats sur le tango argentin lui-même car les bons profs ne sont pas menacés.

Un autre exemple est intéressant: les danses dites traditionnelles (françaises) passent également par les mêmes interrogations mais elles ont déjà mis en place des réponses pour éviter de tomber sous la coupe d'une réglementation stérilisante. En particulier, elles se sont mises en position d'assurer elles-même la formation de leurs profs. Si le tango à Marseille devait passer par là, je préfèrerais intervenir pour que ce soit fait avec vous plutôt que de rester à contempler le massacre.

QUE POUVONS-NOUS FAIRE à notre niveau ? Ce qui suit est une simple suite d'idées personnelles qui peuvent évidement être discutées, contredites, améliorées etc. mais il faut bien commencer un jour.

- tout d'abord, on peut se demander pourquoi on agit dans le monde du tango: pour en vivre ? pour faire vivre quelqu'un d'autre ? parce que le tango est une pratique sociale (bals, milonga etc.) où on rencontre des gens ? parce que le tango est une danse et qu'on est soi-même un(e) danseur(se) professionnelle ? etc...

- on peut aussi faire l'avocat du diable et se mette à la place du "certificateur": qu'est ce que nous faisons quand nous embauchons un prof de tango ? quels critères nous font choisir tel ou tel intervenant ? en mettant ensemble tous nos critères, nous aurions déjà une grille et on aura dépassionné le sujet etc, etc.

- on peut voir ce qui a été fait dans les autres domaines (exemple cité plus haut des danses traditionnelles, ou quel a été l'effet de l'instauration de la réglementation des danses classique, jazz et contemporaine: tout le monde hurlait il y a 15 ans, qu'en est-il maintenant ?)

- on peut voir aussi ce qui est fait en Argentine, ils doivent bien avoir le même problème (j'ai entendu parler de l'école DINZEL et du groupe de Graciela Gonzales, y en a-t-il d'autres ?)

- on peut faire l'exercice terrible qui consiste à faire plus bête que bête et à décrire ce que serait un tango "normalisé". ce n'est pas pour vous choquer, mais c'est pour être en mesure de détecter les glissements dans les raisonnements qui pourraient conduire à la normalisation du tango. Vous me direz qu'il suffit d'aller voir un cours de tango de salon pour le comprendre, je suis complètement d'accord, mais comment décrire cette différence ? ceux qui dansent le tango de salon ont exactement le mêmes mots que nous pour décrire leur tango, et pourtant ça n'a rien à voir.

- On peut au contraire se mettre à rêver: Que ferions-nous si nous recevions un gros paquet de sous (subventions européennes par exemple) à la seule condition de mettre en place une formation de tango et une formation de prof de tango ? Mettre en place une formation consiste à définir un programme, un planning etc... toutes chose que les profs parmi vous font naturellement mais qui n'est pas formalisée. Que conseillerions-nous à votre gamin qui veut être prof de tango ? etc...

IL SE FAIT TARD CE SOIR, si on se mettait autour d'une table pour parler de tout ça, ça serait peut-être utile. Dernière semaine de février ? un jour avant la réunion de la Rue du Tango ? A l'académia chez Marion ?

A très bientôt, si on veut tenir le dates de Claire Prouhet.

Benoit de Gentile

ps: je peux vous envoyer tous les documents qui sont cités plus haut.
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