36. [L-11] Des souris et des hommes : projet de fédération, par Sabina et Michel

(de Sabina et Michel, association Tango & Cie, à Nîmes)

Bonjour,

Nous nous sommes nous aussi demandés s'il était bien opportun d'ajouter nos petites voix au grand déballage.
D'autant que ca avait l'air de se calmer, et puis voila, ça repart ...
"Couleurs Tango" avait-il besoin de ça ?

Le danger d'institutionnaliser est bien réel, mais aussi : pourquoi s'énerver ? Et au nom de quoi ?

Reprendre, publiquement et de facon si précipitée, cette suggestion d'une "Fédération" c'est quand même faire la preuve d'une grande naïveté.
C'est pour le moins se dépêcher, bien, bien vite, d'aller faire le lit de ceux que l'on prétend redouter.
Qui a interêt à ce qu'une fédération, un diplôme existent ?

Quant à nous, l'association Tango & Cie, nous n'avons ni urgence ni gêne a nous exprimer sur ce sujet.


*** Qu'est-ce qu'on va fédérer ? Des assos de Tango Argentin ? ***

C'est quoi une asso de Tango Argentin ?
C'est une association qui mentionne le Tango dans son objet ? Alors Tango & Cie n'est pas une asso de tango. C'est une asso à vocation culturelle.

Alors c'est quoi le Tango Argentin ?
Ha ha ha ... Ce n'est pas nous qui le savons ... Ca va être dur de nous fédérer ...

En tout cas, si nous nous intéressons au Tango Argentin, c'est parce qu'il représente une vraie démarche culturelle populaire de qualité, à transmission orale.
Un tel ilôt non-institutionnel de résistance à une certaine souffrance contemporaine est tout de même assez atypique aujourd'hui.
Un anachronisme que devrait suffire à souligner le caractère souvent gentiment rétro de ses propositions : une expression de l'humour si particulier du tango.

Les personnes qui viennent nous voir, entrent par la porte de la salle de danse.
Cependant ils ne cherchent pas un "prof de danse", mais une introduction à une pratique sociale, une certaine esthétique de comportement, un peu (pas trop) de mise en jeu corporelle.
En un mot ils ont une vraie démarche culturelle. Nous pensons qu'ils sont implicitement sensibles aux valeurs vivaces à contre-courant qui font l'actualité du Tango Argentin contemporain : un noyau de résistance dans un monde où l'on ne se touche plus, où les relations sociales sont inesthétiques, où le corps ne parle plus, où les relations hommes-femmes ne sont en réalité jamais remises en question. Un monde où la fonction sociale du jeu disparaît comme peau de chagrin ...

Au même titre que le rock ou le flamenco, nous revendiquons le tango comme une culture, une attitude. Et sa danse est, oui, une "danse de société".
Social ... En ce qui nous concerne, à Tango & Cie : oui notre engagement social est entier, dans la joie et la bonne humeur nous essayons de pratiquer une certaine forme de résistance.

*** Alors ... Ce serait quoi une "Fédération des assos de TA" ? ***

Une "Fédération des Assos de Tango", cela va faire immédiatement et uniquement

1°) ... référence à l'enseignement :

Ce serait donc une fédération des assos qui enseignent la danse-tango, comme il a finalement été créé, à l'usure, une fédération des Ecoles de Cirque ... dont la principale action a été de créer un "Brevet d'Initiateur aux Arts du Cirque", sans lequel on n'a pas le droit d'enseigner, et délivré (= vendu) par 3 ou 4 associations, estampillées, au pouvoir indélogeable ... et qui se gavent, bien sûr.
Autre conséquence : la création circassienne en France est désormais bien plombée. Du côte de la production, qui est -ou devrait être- une autre justification de l'existence d'une association, nous devons déjà passer par tout ce système Sacem+subventions+licences, qui sont autant d'écrans entre les artistes et leur public. Est-ce qu'il est encore
besoin d'en ajouter ?
La pédagogie peut former un tout indissociable avec la création et la production, tant du point de vue de la motivation que de celle ... des budgets annuels. Toucher à l'enseignement c'est beaucoup plus que toucher à l'enseignement.

2°) ... référence à l'enseignement de la danse, bien sûr :

Si on sait ce que c'est que cet enseignement, alors : oui, i faut 1 diplôme.
Mais ...
Danseurs ?
Danseur ... c'est carrément autre chose ... excusez-nous ...
Ca fait bien rigoler Sabina, par exemple, qui était acrobate de cirque jusqu'il y a peu, et qui aborde le tango avec beaucoup plus d'humilité que cela ...
Nous donnons des cours de Tango Argentin et percevons également des cachets de "danseurs" mais, pour autant, nous ne nous considérons certainement pas comme des "danseurs", encore moins comme des "profs' de danse", mais comme des "baleurs" qui essaient d'être lucides sur leur pratique. Et qui, y compris sous son aspect simplement technique, utilisent éventuellement cette approche, comme d'autres expériences, dans leur propre parcours artistique et humain.

Et les autres pratiques du tango : musique, littérature ? On n'en entend pas parler ici ? Elles devraient une fois de plus s'aligner ... sur la loi des danseurs ?


*** Tous ceux qui prétendent parler au nom du Tango Argentin exagèrent un peu, non ? ***

Ceux qui prétendent vendre des diplômes, comme ceux -les fous !- qui prétendent institutionnaliser pour leur couper l'herbe sous le pied.

Le charme, et le handicap, du milieu du Tango, c'est qu'il est tout petit, un microcosme.
Tout à coup : des assises, une fédération... Diable !
Alors que ce milieu n'a jamais même formulé le besoin d'outils élémentaires, comme une simple liste de diffusion inter-associations ...
La souris voudrait-elle accoucher d'une montagne ?

Le Tango Argentin ? Mais ça n'a rien du tout de sacré, comme on l'a lu !
Et ce n'est pas non plus une entité évaluable, comme on le craint ...
C'est juste ce que l'on en fait.

Attention seulement à ne pas laisser se créer, par laxisme, les mêmes petits pouvoirs de toujours (ah oui : le fromage ...)
Il nous appartient à tous de le faire vivre, le Tango Argentin : un ilôt si fragile d'agitation positive, lucide, diffuse, très actuelle.

Chau todos, portense mal,

Sabina et Michel
Tango & Cie
Nimes
www.tango-cie.com
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