37. La publicité parue dans le numéro (...), par Elisabeth

La publicité parue dans le numéro précédent de La Salida pour une école de tango délivrant un diplôme, l’enquête diligentée parallèlement par le ministère de la Culture visant à évaluer les besoins en termes de certification pour l’enseignement des danses de société ont lancé une sacrée polémique dans le petit monde du tango!
Passé le coup de colère concernant la légitimité de cette école et la finalité de cette enquête je me suis interrogée sur
1) Pourquoi une certification ?
2) Quel parallèle établir avec d’autres disciplines artistiques ?
Depuis longtemps maintenant il existe un DE pour la danse classique et contemporaine ainsi que pour la danse Jazz. Tout récemment vient d’être créé (2005) un DE d’enseignement du théâtre. Le Ministre de la Culture alors en poste, répondant à une légitime interrogation et inquiétude des intermittents précisait que ce diplôme se serait pas exigé pour l’enseignement du théâtre, tout en reconnaissant qu’à la longue il serait un repère pour les collectivités locales.
Suivant cette dynamique très normative de la réglementation de l’enseignement des arts par la certification, il semble logique que les danses de société -sport ou art ?- fassent partie de la prochaine charrette, de même que le hip hop qui lui, cherche sa légitimité et sa reconnaissance à travers cette certification.

En danse classique et contemporaine, en danse jazz, depuis que ces diplômes existent leur obtention est obligatoire pour enseigner.
A qui profiterait un DE en danse de société ? Voire en tango argentin ?
- Probablement aux collectivités locales qui embauchent ou subventionnent.
- Aux personnes qui jugent que seul un diplôme est un gage de qualité pour l’enseignement desdites danses, sans s’interroger sur le sens profond de la danse en tant qu’art.
- A ceux qui les enseignent et qui pourraient présenter ce DE comme gage de sérieux et de compétence. Ou comme argument commercial.
Or la danse, le théâtre, le tango aussi ne sont pas de simples savoirs, mais bien des arts à part entière. Ce qui fait l’artiste, ce qui fait le maître, ce n’est pas tant le cumul de connaissances, (tiens par exemple sur la dynamique du mouvement ou la mécanique des articulations, j’ai même entendu un tanguero apprenti sorcier prof, parler de mécanique des fluides), ce n’est pas l’estampille Academia Real -royale ou véritable- mais plutôt, la maîtrise de son métier et son aptitude à le transmettre.
Maurice Béjart « L’art a été créé par les artisans, (…) Les artisans apprenaient lentement leur métier auprès d’un maître, puis tout en construisant, peignant, sculptant, chantant, écrivant, transmettaient leur technique à un apprenti. »
Dans cette optique, la détention d’un diplôme devient dérisoire, superflue. Les grands chorégraphes ont « fait école » -ce qui est différent d’ouvrir une école- parce qu’au-delà de la maîtrise de leur discipline, ils ont su accoucher le génie de leurs disciples et élèves, dévoiler leur sens artistique, leur sens de la scène et de l’émotion. Souvent ils n’ont pas choisi leurs élèves, mais ce sont les élèves qui les ont choisis.
En danse jazz après s’être battu pour obtenir la création du DE, Raza Hammadi (directeur des ballets Jazz Art depuis 1983) continue sa croisade pour la reconnaissance de sa discipline et avoue que «La danse jazz crève de ne pas être en recherche. Mais le milieu est tellement paupérisé – chacun court après le cachet, un cours par ci, un jury par là - que personne n’a le temps de se poser et de chercher. » Force est de constater que le DE n’a pas vraiment contribué au rayonnement de sa discipline.
Ce serait triste qu’il en soit de même pour le tango argentin, si un diplôme venait figer les choses et que les danseurs de tango suivent la même trajectoire.
Le tango est une danse, un art, en constante évolution depuis plus d’un siècle, jusqu’à maintenant il n’y a pas eu de façon significative de « diplôme » pour garantir un savoir en tango argentin. Pourquoi ? Parce que les artistes, artisans du tango ont puisé leur savoir dans la pratique du bal, - dans la recherche et l’inventivité, dans la création. Les maîtres n’on pas eu besoin d’estampille pour se faire reconnaître de leurs disciples, « ils ont fait école » parce qu’ils étaient de vrais artistes et créateurs, parce qu’ils avaient en eux la fibre pédagogue pour accoucher les esprits de leurs élèves.
Le tango c’est avant toute chose, c’est une émotion pure, qui se répand comme un parfum, ou se transmet un virus !!!!!
C’est ainsi que beaucoup de tangueros et tangueras anonymes, le vivent en dansant à la milonga. Une émotion ça ne se recherche pas dans un cours avec tel ou tel prof bardé de diplôme, ca vous tombe dessus un jour ou l’autre sans crier gare, et le vocabulaire de cette émotion est tellement infini que l’on peut parler d’art sans limite.

REF
http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/index-dossiers.htm
Revue DANSER n° 270 novembre 2007

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