[temps du tango] Historique charte du tango argentin, par Pierre

[repris depuis le forum du temps du tango - daté du 5 avril 2008]

Merci Stéphane de ton analyse très pertinente de la situation. Tu fais allusion dans ton intervention à la capacité de lobbying d’individus « Maîtres de danse » qui ont des connaissances très limitées en tango argentin, mais qui souhaiteraient néanmoins réglementer son enseignement. Je voudrais simplement rappeler dans quelles conditions les associations de tango ont élaboré une charte du tango argentin en 1998…..

Quelques mois auparavant en 1996, j’avais eu vent par un ami membre d’une organisation professionnelle d’enseignants de danse, qu’un intense lobbying était effectué auprès du ministère de la jeunesse et des sports et de son ministre de l’époque (le célèbre Guy Drut) pour mettre en place un diplôme obligatoire pour l’enseignement des danses de société dont le tango argentin (paradoxalement, les danses folkloriques n’étaient pas concernées, sans doute parce que le mode de transmission n’était pas considéré comme suffisamment rentable !!!)
A l’époque on préparait les jeux olympiques de Sidney (2000), et il était envisagé à l’instar de ce qui s’était passé à Séoul en 1988 avec le taekwondo en tant que sport de démonstration, de présenter la danse sportive comme sport de démonstration à Sidney. L’AMDF (Académie des Maîtres de Danse de France), qui avait une compétence certaine dans cette branche en tant qu’organisatrice de compétition et formatrice de compétiteurs, professeurs, juges… avait donc fort logiquement profité de cette situation pour essayer d’imposer sa mainmise sur le monde de l’enseignement de la danse de couple…. Selon mes sources, un décret était prêt à être signé, quand une malencontreuse dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président de la République de l’époque (Jacques Chirac) est venu contrecarrer ce funeste projet.

Ayant eu connaissance de cette intrigue, les associations de tango ont profité d’un important festival de tango qui avait lieu à l’époque (les rencontres du Sud à Toulouse) pour se réunir et proposer un projet de charte (projet visible sur ce site).

Il est d’ailleurs très intéressant de noter que la personne qui animait les débats était [--- anonyme 1 --], et qu’une des personnes qui a très largement contribué à la rédaction de cette charte était [--anonyme 2--]…..Ces deux personnes étant au centre de la polémique actuelle, [--- anonyme 1 --] en tant que chargé d’étude par le ministère de la culture d’une enquête sur la danse, et [--- anonyme 2 --] ayant mis sur pied une formation diplômante de tango argentin……

Une fois le danger écarté, suite à la non application du décret, cette charte est restée en l’état, et aucun embryon d’organisation n'a été mis en place. Le tango a poursuivi le développement que l’on sait, le plus souvent à travers des associations, mais aussi à travers des écoles de danses qui ont fait régulièrement appel à des professionnels argentins.

Quelle est la situation aujourd’hui et quels sont les dangers ?

Il semble que contrairement au dicton « l’Histoire ne repasse pas les plats », on nous resserve sur un plateau les mêmes salades qu’il y a 10 ans.

Le lobbying n’affecte plus le ministère de la jeunesse et des sports, mais le ministère de la culture, les formes sont mieux respectées, puisque les décisions ne seront pas prises par décret mais après une enquête et une étude qualifiée de sérieuse, bien que menée en catimini et portant exclusivement sur des questions fiscales … Si l’on ne veut pas que des décisions soient prises par le ministère sur la seule base de cette enquête (qui ne concerne que l’aspect très restreint de l’enseignement de la danse), il serait utile d’opposer une structure véritablement représentative du tango argentin en France…. A ce sujet, il est intéressant de lire le dossier consacré à ce problème dans le numéro 58 de La Salida. Il semble que les pouvoirs publics ne prennent en considération en tant qu’interlocuteur qu’une fédération…..

Il est donc urgent de constituer une fédération véritablement représentative du tango argentin en France dans toutes ses dimensions culturelles (musique, danse, littérature …..) et dont le but premier serait d’adhérer à une charte à discuter (du type de celle élaborée en 97) et donc excluant de fait un diplôme national. Cette fédération aurait l’avantage de représenter un panorama complet du tango argentin en France. Il faut rester très vigilant et être prêt à opposer une résistance face à des décisions qui risquent de nous être imposées de manière unilatérale, sans que nous ayons eu le temps de mettre en place une riposte adaptée…. Une seule personne missionnée par un ministère, même ayant une bonne connaissance du milieu tango, ne me semble pas qualifiée pour parler au nom de l’ensemble de la communauté tanguera.

Pierre Lehagre
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