[L-37] Une bribe de réflexion concernant l'enseignement du tango... par Raphael

A mon avis, cet enseignement dépasse de loin la réduction à laquelle on cherche à tendre en l'appréhendant à travers le projet de diplôme de professeur de tango, en voulant le pasteuriser, le normer, afin qu'il puisse enfin, parce qu'il représente aujourd'hui un marché, être enseigné notamment en école de danse…

Le tango est une matière vivante, un art, une musique et une danse, une émotion partagée ET une culture, qu'il importe de découvrir, d'expérimenter, de s'approprier, de vivre. C'est un voyage qui commence par une écoute, une ouverture suscitée par une émotion, et qui demande pour se poursuivre l'acceptation de ses forces et ses faiblesses dans sa relation à l'autre, à son/sa partenaire dans l'intimité de l'abrazo.

Si les « profs » représentent une partie importante dans l'aide à l'approche et à la transmission de cette culture, le vécu de cette danse (lors des stages, pendant les cours, les pratiques, les milongas, seul dans l'écoute de sa musique ou si nombreux dans la ferveur d'une milonga) et le lien tissé entre les membres de l'association, des danseurs, du débutant au maestro, constituent le creuset, la matrice, l'abrazo, sur lesquels le débutant va pouvoir compter, à partir desquels il pourra écouter, s'initier, apprendre, échanger, transmettre, construire son libre arbitre, décider ou non de s'impliquer plus personnellement pour embrasser cette culture.

Dans un projet associatif il y a une politique partagée et mise en place par les membres de l'association. Une association n'est pas un bien de consommation, c'est une volonté qui se met en mouvement. Chacun y est (devrait y être) acteur, moteur de son fonctionnement et de son évolution.

Chercher à créer un diplôme de professeur de tango c'est vouloir réduire le tango à un bien de consommation, et pour quels motifs, pour quelles raisons? ; N'y a-t-il pas assez de biens de consommation pour en rajouter un, dénaturer et normer une culture afin de la vendre sous emballage plastique estampillé.

Si la question est d'ordre juridique et financière, alors que l'on réfléchisse sérieusement à ces questions avec les ministères concernés. En qualité de citoyens du monde, que l'on contribue à réfléchir à la forme sous laquelle toute personne porteuse d'une richesse culturelle particulière (française ou étrangère) peut contribuer au partage de sa culture sur notre territoire, en Europe, et plus particulièrement dans le contexte du tissu associatif culturel. Néanmoins refusons l'idée de normer les pratiques de danses régionales ou nationales de France et du monde en général (quelle arrogance), du tango argentin en particulier, dans ce seul but. Là se trouve le véritable danger pour la culture en général et le tango en particulier.

Raphael Marcelpoil
Ecos del Plata
Grenoble
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