Contribution, par Stéphane

[1ère partie]

D'une manière générale, qu'on soit en asso ou en "pro", puisque j'ai deux structures bien distinctes justement, il faut à mon avis se battre contre le principe d'un diplôme. Non pas par esprit rétrograde ou conservateur mais au contraire, pour maintenir le processus dynamique dans lequel le tango en particulier tend à se développer et qui ne peut qu'étouffer par un processus de standardisation quel qu'il soit.

Car franchement, qui pose ce problème, qui se plaint ? Sont-ce les danseurs? Sont-ce les présidents d'assos ? Qui?
Personne ! Peut-on dire que les élèves se plaignent que les profs n'ont pas de diplômes? Je n'ai jamais entendu parler de cela dans le tango ni ailleurs. A part deux ou trois pelés qui se sont retrouvés à apprendre les danses de salon alors qu'ils voulaient apprendre le tango argentin et qui crient à l'escroquerie, je ne vois pas qui.

A regarder de près je vois deux réponses :

Les écoles et profs médiocres qui ont leur diplôme de maître de danse mais qui ne savent rien faire en tango. Par contre, ce sont les pros des pourparlers. Et je suis persuadé que ce sont eux qui sortiront grand gagnants de cette affaire.

Les pouvoirs publics qui voient d'un mauvais oeil toute qu'une communauté grandissante n'échappe à leur contrôle. On régente les profs pour mieux contrôler les pratiquants.

Or, ce système, sans aucune réglementation je le rappelle, a permis l'essor de styles extrêmement différents qui font la richesse du tango.

Pour ma part, je trouve cette manie de vouloir légiférer standardiser et normaliser très français du même acabit que la démarche ayant conduit aux danses de salon.

Il est urgent de faire comprendre aux autorités que les bons profs ont besoin des mauvais, que tout le monde, même le charlatan qui fait croire à son élève qu'il enseigne le tango argentin alors que c'est du tango Européen a sa place dans le paysage du tango. OUI, car c'est précisément grâce à eux qu'un marché s'est créé ! C'est suite à leur médiocrité que les élèves ont créé des assos pour faire venir des profs d'ailleurs pour leur enseigner le "vrai tango" par de "vrais pédagogues"

Il faudrait qu'ils pigent une fois pour toutes que le processus d'évolution du tango est un processus régi par des lois naturelles qui ne se définit pas selon des normes ou des règles mais qui n'en demeure pas moins terriblement efficace : un marché très concurrentiel, des bals, des festivals à profusion partout en France et à l'étranger, des contextes où tout un chacun peut faire le bilan de sa progression se situer, se comparer et évaluer son professeur par rapport à des résultats obtenus. Les gens ne sont pas totalement stupides. Ils se font conseiller par d'autres qui s'y connaissent, ils se renseignent et avec ce système, vous obtenez des résultats bien meilleurs que tout ce que vous obtiendrez en mettant en place des réglementations à la noix.

A côté de cela, les attentes ne sont pas toujours claires. Il y en a qui viennent à des cours pour socialiser, d'autres pour draguer ou se faire draguer, d'autres pour se changer les idées, certains pour avoir une activité physique, une activité cérébrale et même parfois des gens qui viennent pour apprendre à danser. Mais là aussi, il y a ceux qui veulent apprendre des choses simples, d'autres qui veulent apprendre des choses compliquées ceux qui veulent ouvert ceux qui veulent fermé, ceux qui évoluent... de quel droit vous s'immisce-t-on dans une transaction qui satisfait les deux parties ?

Il y a des cours de tango où l'on apprend des tas de figures tout de suite, il y a des cours pour les jeunes, d'autres pour des vieux, ce ne sera pas le même enseignement ni les mêmes figures et cela n'en demeurera pas moins du Tango et, chose extraordinaire, le paysage actuel permet de répondre à l'ensemble de cette diversité. D'où allez-vous dire aux gens pourquoi, comment et dans quelles conditions ils devraient faire ou apprendre le tango?

Pour finir si c'est pour déboucher sur "attention il y a du tango européen et du tango argentin, ce n'est pas la même chose" là on peut vraiement dire que la montagne a accouché d'une souris.

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[2ème partie]

Ce que je veux dire aussi c'est que c'est cette démarche de normalisation là qui a conduit dans le passé à la naissance du Tango de Salon Européen tel que nous connaissons aujourd'hui. Je pense qu'il ne faut laisser personne récupérer le tango car il n'appartient à personne. On ne doit pas recommencer les mêmes erreurs. Chacun est libre de l'interpréter comme il le souhaite et donner sa propre définition. C'est cela qui fait la richesse de cette danse.

Bien sûr, il y a une technique qui régit l'ensemble des figures, la marche la connexion, l'abrazo, l'axe, la dissociation, le transfert, la technique des tours, les 8 etc. mais si quelqu'un venait imposer une vision normatrice de ce que doit être l'enseignement, il ne peut qu'appauvrir la richesse extraordinaire de tout ce que comporte le tango pour ne proposer qu'une vision étriquée et forcément ridicule.

Le Tango n'est pas seulement une danse, c'est plein d'autres chose et l'apprentissage du tango est avant tout un parcours initiatique où l'on change un peu pour devenir tanguero.

Ce que je veux dire c'est que chacun se fait sa propre idée sur le tango à travers sa propre synthèse de ce qu'il a appris d'une combinaison de profs. Il y a ceux qui ont une approche technique d'autres (et des très connus) fonctionnent par des chorégraphies, d'autres ne parlent que d'émotions et de sensations. Le pire, c'est que chacune de ces approches peut très bien fonctionner ou en tous cas, apporter un éclairage supplémentaire.

Vous ne pouvez pas laisser quelqu'un s'accaparer tout cela pour n'imposer qu'une seule définition du tango car le tango ne se développe que dans le multiple et jamais dans l'unique et ça, c'est l'expérience qui le prouve.

Il me semble que les partisans d'une telle loi auraient beaucoup à gagner à apprendre le tango. Ils verraient tout ce qu'il est possible de faire par le lâcher prise au lieu de gaspiller inutilement leur énergie.

Cordialement`
Stéphane
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