21. Petite réflexion, par Sandrine

J'ai lu les échanges concernant quelques sujets épineux qui soulèvent des questions de fond sur l'enseignement du tango. J'assisterai volontiers aux tables rondes proposées dans les courriers précédents en souhaitant que les dates me le permettent.

Je profite de cet échange pour partager une petite réflexion sur ma petite expérience sur le TANGO (même si elle sort un peu de vos échanges) en tant que petite élève, petite danseuse, petite spectatrice, petite enseignante non diplômée, petite comédienne ou petite dijette. Passionnée en tout cas.
Concernant la question des diplômes, on peut très bien avoir du talent ou une fine connaissance sur un sujet et transmettre passionnément sans nécessairement avoir un diplôme. Ou bien avoir un diplôme et être très superficiel ou froid sur le sujet, voire hors sujet.

On peut aussi tout avoir et exceller ou ne rien avoir du tout ...

C'est basique mais il est bon de le rappeler.

J'avoue m'intéresser à la question des diplômes depuis toujours même si je préfèrerais me passer de cette « formalité ». Cela dit j'ai toujours pensé qu'un jour ou l'autre il pourrait être imposé.

Puisqu'on parle de danse et de diplôme, le DE de professeur de danse (classique contemporain et jazz) a été obligatoire en 1991.

Les personnes qui avaient de l'expérience dans la danse on pu contourner le passage du diplôme en validant leurs acquis d'expérience soit parce qu'ils dansaient dans une compagnie, soit parce qu'il avait de l'expérience dans l'enseignement. Pour autant chez certains titulaires de ce diplôme on ne lit absolument rien de la danse en tant qu'art et pis encore, ils n'ont qu'une réflexion pédagogique très vague sur le sujet...tout en étant depuis un bon nombre d'années dans la discipline!

Par ailleurs, d'autres dépourvus de diplômes ont contourné aussi la loi par des activités parallèles : la méthode ceci, la méthode cela...inutile de les citer, je pense qu'elles ne sont utiles ou complémentaires que lorsqu'on a déjà une solide connaissance de la danse. S'en servir pour donner des cours de danse sans jamais avoir pris un seul cours de danse me semble très périlleux pour le corps bien sûr.

Bref, si le diplôme n'est pas une fin en soi, la formation continue à vie semble préférable. Quoi qu'il en soit, à un certain niveau on ne peut duper personne.

N'est-ce pas le cas pour beaucoup de métiers?

Mais là encore, attitude très franco française, nous prenons quelques cours de ceci et de cela et nous avons déjà compris... même sans avoir écouté le contenu du cours ! Oui, faire acte de présence pour dire « j'ai fait ceci et fait cela » est très courant. Et ce sont des élèves qui ensuite donnent des leçons.

Concernant l'enseignement du tango je crois que chacun d'entre nous en donne une définition très personnelle, c'est ce qui fait sa richesse et sa complexité. Certes, la transmission populaire est la tradition originelle mais elle correspond à une époque de laquelle nous avons perdu toute l'essence. Que faire?

Pour ma part, je l'associe avant tout à l'Argentine, la musique, la danse, la poésie et le vois également comme un mode de vie qui devient -évolution oblige- universel. Alors il ne s'agit pas de penser que l'on est (naît?) tango ou non, simplement il est là, il existe et chacun se l'approprie à sa manière et selon sa convenance. Bref, le tango appartient aujourd'hui à tout le monde et à personne à la fois.

Il se trouve qu'il est de plus en plus diffusé à la vitesse grand V, ce qui a donné lieu à une augmentation considérable de lieux d'apprentissage et de pratiques et par conséquent de personnes en charge de transmettre cette discipline. Ne jouons pas avec les mots : dès lors que l'on transmet à des élèves (si on les fait payer en plus! on est bien « professeur » ou enseignant, non? Bon aller, je m'invente le titre de « prof et soeur du tango non diplômée»! Mais « en saignant du tango autodidacte» me plaît davantage car il soutient l'idée de l'effort au travail...

Merde mais si je n'ai pas mon diplôme je suis quoi alors puisque je ne suis pas ''reconnu''? Un animateur, un donneur de leçons, un passeur, un messager, un transmetteur (vocabulaire politiquement correct=BALL SHIT !)... mais quel élève je suis d'abord? Encore une attitude Franco française. ''Oui mais tu comprends, je souhaite faire passer une information que j'ai reçue d'un grand maestro, j'ai lu tel livre et comme tatatatattattattataa, je ne peux pas m'attribuer le titre de professeur parce que nanani nanana.... '' je suis donc chargé de... je ne me permet pas de faire ceci ou cela si je ne connais pas'' blablabla, je « fais de la danse »...

On ne manque pas d'intellos dans le tango! On manque de clarté en tout cas ! De « savoir faire ». Surtout lorsqu'on voit le placement du corps de certains en charge de transmettre cette danse...c'est notre égocentrisme qui transpire ou quoi? Arrêtons de nous la péter car c'est la réputation universelle que nous avons, les danseurs de tango et il n'y a pas de fumée sans feu.

Par ailleurs, qu'est le tango au juste puisque que nous avons déjà dit que chacun d'entre nous donnait sa propre définition? Une discipline, une danse, une musique, un sport, un art, une psychanalyse, ...tout à la fois? Peu importe au fond, nous vivons dans un monde où les confusions sont de plus en plus grandes et chacun tente avec ses moyens de cultiver son propre jardin. Nous sommes de pauvres égocentriques à l'heure du libéralisme, non?

J'aime à dire (et surtout j'avais besoin de le clarifier pour l'enseignement) que le cours de tango est surtout un cours de danse où nous devons « habiter notre corps » (il faut bien prendre et assumer un chemin) avec toutes les règles et la rigueur QUOTIDIENNE que cela implique (danse, histoire, anatomie, musique, culture générale) pour mieux comprendre cet art en évolution permanente. Un corps non accordé est comme un instrument non accordé. Et qu'on soit né argentin, danseur, musicien, poète, ... ou rien de tout cela, ils faut s'armer d'une bonne technique et de "trucos". Mais ceux-ci ne sont pas gratuits, ils ne s'achètent pas non plus avec la carte bleue ni s'acquiert en 2 temps 3 mouvements, ni par le seul savoir. Ils se gagnent peu à peu et tout au long de la vie au prix de l'effort et du travail (celui qui fait transpirer) et seulement à ce prix là.

Je crois que chez les professeurs/danseurs, la diversité doit être frappante, nous sommes tous différents, Dieu merci et avons dans nos propres limites quelque chose à donner. Mais on doit reconnaître le danseur quelque chose d'universel. De telle sorte qu'on le lise dans le corps, dans le comportement, dans le regard, ...

Notre baratin et notre attitude montrent bien que nous nous sommes reposés sur nos acquis de l'époque du Roi Soleil.

Bien à vous,

Sandrine

PS : au passage, je me suis pris une remarque concernant mon intervention à la formation de Marseille Tango. No comment !
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